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Le kumité

II - Les différents modes de combat libre

Lorsque vous pratiquez le combat libre avec un de vos élèves, dans le cas où votre niveau est nettement supérieur au sien, le combat ne dure pas longtemps si vous mettez toutes vos capacités pour marquer un coup. Mais, en réalité, le professeur n’est pas toujours nettement supérieur aux élèves sur le plan du combat.

En entraînement de combat entre des personnes de niveaux différents, il convient de distinguer plusieurs registres.

Il peut s'agir d'un combat entre deux personnes de même niveau (combat à égalité) : gokaku shôbu.

S'il ne s'agit pas de cela, et que les niveaux sont différents, vous pouvez entraîner votre élève pendant une heure avec plus ou moins de dureté ; ce n’est pas une heure de combat mais une heure d’entraînement au combat.

S’il s’agissait d'un exercice de combat à égalité (gokaku geiko), le combat serait terminé bien plus rapidement. En gokaku geiko, chaque combattant investit à fond toutes ses ressources, ce qui fait ressortir clairement le niveau de chacun.

En hikitaté geiko (combat pour faire ressortir les qualités d’un élève), le professeur ou celui qui a le plus haut niveau tente de faire ressortir les possibilités de l’élève qui s’exerce avec lui. Le professeur stimule son élève afin qu’il puisse former la réaction juste et efficace du combat tout en surmontant ses défauts. Pour cela, il faut que le professeur ait réellement des capacités supérieures à l’élève.

En kakari geiko, l’élève projette toutes ses techniques et son énergie sur le professeur ou sur son aîné dans la voie afin d’intégrer réellement la technique, de la forger et de développer ainsi le souffle du combat.


Dans le cadre de l’exercice hikitaté geiko, si le maître entraîne son élève au combat durant une heure, il serait totalement déplacé de la part de l’élève de penser qu’il a pu soutenir le combat pendant une heure car c’est le maître qui lui a donné l’occasion de s’entraîner pendant une heure.

Dans le cas du gokaku geiko pur et simple, il est fort possible que le même élève ne puisse pas tenir plus d’une ou deux minutes si le maître est un véritable adepte. Lorsque les niveaux sont rapprochés, l’exercice de combat avec les élèves peut devenir presque gokaku geiko.


Si l’enseignant ne sait pas distinguer les registres de combat, les combattants auront tendance à frapper fort durant l’exercice, ce qui fait que les élèves ne pourront discerner que difficilement les différences de registre nécessaires pour l’exercice de combat.

Si l’un des deux ne sait pas faire les distinctions et porte des coups unilatéralement puissants, l’autre sera entraîné dans l’échange de coups violents. L’aspect éducatif du combat va alors disparaître.

Précisons que j’emprunte ces termes au kendo.


J'ai soulevé ici la question de tension et d’attitude variables selon le but recherché pour un exercice de combat libre. Il faut mettre en évidence les divers modes d’exercices de combat qu’on qualifie de « libre ». Si nous voulons nous exercer efficacement pour le combat, il faut concevoir différents modèles selon le but recherché.



Ces différents concepts de combat libre sont quasiment absents dans la pratique de combat de percussion.

Par exemple, la plupart des karatékas ne pratiquent que deux formes de combat libre : souple ou normal. En fait, il existe de multiples modes de combat conventionnel : gohon gumité, sanbon gumité, yakusoku ippon gumité, jiyû ippon gumité, bunkai ôyô gumité, etc, qui sont tous des exercices préparatoires au combat libre. Cependant ces exercices ne servent pas toujours de support efficace au combat libre, principalement parce que leur modèle est décalé de celui du combat libre.

Dans la majorité des cas, lorsque des adeptes ne pratiquent plus la compétition sportive du combat, l’exercice de combat se limite à ce cadre de combat préparatoire qui est, comme je viens de l’indiquer, très décalé du contenu du combat libre.


Question de contrôle

Le concept de contrôle est bien vague. Nous sommes trop habitués à l’idée du contrôle tel que nous l’a enseignée le karaté sportif où la notion de contrôle est de « ne pas toucher le corps », en arrêtant le coup juste avant d’atteindre la cible tout en concentrant au maximum la force du coup.


Dans cette attitude on suppose que le coup est dangereux, voire mortel. Dans ce cas le contrôle signifie qu'on évite ce danger en stoppant subitement le coup pour ne pas toucher l'adversaire, puisque toucher est dangereux. C’est une transposition de l’exercice du combat de sabre classique sur le combat avec coups de poings et de pieds. La lame du sabre est tranchante. (Notons que le sabre japonais est bien plus tranchant que le sabre occidental du moyen âge.). Un simple contact peut blesser, d’où une plus grande vigilance et une plus grande concentration que nécessitait la pratique du combat avec un sabre. L’exercice de combat dans lequel on lance des coups avec force, vitesse et volonté, sans toucher son adversaire - si même on considère que ce n’est pas impossible - nécessite un très grand sérieux.


Dans cette tradition, la qualité du sérieux de la technique est mesurée par le concept technique de « tsumé » qui signifie « serrer un geste » : « serrer la précision et l’énergie d’un geste technique ». Un des critères de la qualité d’un exercice est la tension et la précision qui permettent d’arrêter un coup le plus près de l’adversaire. Il s’agit d’un exercice de sabre et non pas d'un combat à main nue.
Cette idée crée une attitude de recherche en profondeur sur la qualité de la technique. Un adepte fera chaque fois son autocritique : « jusqu’à quel degré ai-je été capable de serrer ma technique ? » ou « quel niveau technique ai-je été capable de réaliser ? » Dans ce cas, la technique ne se limite pas seulement au domaine du « savoir faire », mais elle ne peut que découler de l’interrogation permanente : « comment ai-je vécu l’instant de mon attaque, l’instant de technique ? », ce qui renvoie à la réflexion : « avec quelle plénitude de la perception ai-je été capable de faire ce geste technique ? ». C’est cette interrogation, virtuellement associée à chaque technique, qui constitue le concept de budô où la qualité technique se confond avec le niveau de la personne. En quelque sorte, la technique est un miroir qui reflète votre niveau technique ainsi que votre état de conscience.


Le concept technique de « tsumé » renvoie à l’acte de porter un coup puissant et juste sur la partie visée sans la toucher, ce qui nécessite un degré de concentration important. Cette attitude crée un modèle de base pour la pratique technique du budô. Le contrôle des coups en karaté traditionnel sportif est un héritage de cette idée. C’est de là que vient l’origine du combat de karaté en « sundomé » : arrêter le coup à 3 cm de la cible.


Cependant la main et le pied du plus grand adepte de karaté ne sont ni tranchants, ni perçants comme un sabre ; la réalité en est bien éloignée. Nous savons que les coups sont dangereux dans des situations et conditions précises, réalisées de manière technique, mais que dans la plupart des situations les coups ne sont pas efficaces. Il faut donc apprendre à porter des coups « techniques ». Mais cela n’exclut pas le danger des coups « fortuits » ou « accidentels ».



Dans le combat, même si vous anticipez le danger lié à la réception d’un coup de poing, vous savez qu’il n’est pas aussi dangereux qu’un coup de sabre. C’est pourquoi en combat de percussion on échange des coups bien plus librement, bien plus audacieusement et bien plus facilement qu’en combat de sabre en bois qu’on pratique habituellement sans protection. Il me semble que nous parlons souvent de combat avec trop de légèreté ou avec trop de lourdeur justement à cause de l’ignorance des conséquences liées au combat.


Il arrive que, face à une personne réservée et quelque peu timide qui exprime une réticence à combattre, l’autre personne, ignorante et téméraire ose affirmer : « je n’ai pas de problème en combat ».



A ce propos voici une anecdote :

Musashi reçut la visite de l’un de ses anciens élèves, nommé Aoki. Le retrouvant plusieurs années après, Musashi remarqua : « Tu as l’air d’avoir fait des progrès importants depuis que nous nous sommes quittés. »

Aoki répond : « Maître, votre remarque est un grand honneur pour moi. »

Voyant que son élève portait un sabre en bois dans un bel étui en soie, Musashi lui demanda :

« Qu’est-ce que tu portes dans ce si bel étui ? »

Dissimulant mal sa fierté, Aoki répondit :

« Maître, c’est un sabre en bois que j’utilise lorsque je combats en duel. »

Durcissant son visage, Musashi répliqua :

« Crétin. Je t’ai parlé gentiment en espérant que tu avais vraiment fait des progrès. Ne me fais pas rire en me disant que tu combats en duel avec ton petit niveau. »

Musashi fit alors placer son élève face à lui, lui posa un grain de riz sur le bout du nez et, dégainant son grand sabre, lui ordonna : « Ne bouge pas. »

Ce faisant, il trancha l’air avec son sabre. Son élève ressentit soudain un coup d’éclair devant le visage.

Musashi annonça alors : « Regarde. »

Le grain de riz collé sur le nez avait été fendu en deux sans que la lame ait touché la peau.

Musashi dit enfin à son élève : « Même en possédant ce niveau dans l’art, le combat en duel est très difficile. Le combat n’est pas l’affaire d’un petit adepte comme toi. Dorénavant cesse de parler de combat avec autant de légèreté. ».



Je ne saurais affirmer l’authenticité de cette anecdote mais elle me semble bien faire transparaître la conception fondamentale qu’un adepte doit se faire du combat.


En tout cas, si vous faites un exercice de combat de percussion, de karaté ou de boxe, il est bien rare que vous puissiez dominer l’adversaire sans jamais recevoir un seul coup. Il me semble évident que l’emploi d’un matériel de protection adapté à l’exercice de combat de percussion est indispensable pour une pratique régulière et sérieuse.


Cette logique devient évidente lorsque vous faites la comparaison avec l’exercice du judo et celui du kendo. Comment pourriez-vous envisager de projeter quelqu'un sur un sol en béton sans même utiliser un tatami ? Même sur les tatamis, la projection peut être dangereuse si vous ne maîtrisez pas l’ukemi (technique d’amortissement du choc au moment de la chute). Faire du combat de percussion sans toucher l’adversaire est aussi illusoire que de faire des exercices de judo sans jamais tomber.


En judo il y a la protection matérielle : le tatami, mais aussi la protection technique : faire tomber l’adversaire de façon qu’il puisse faire l’ukemi.


En kendo nous utilisons un sabre en bambou, une armure de protection ainsi qu'une manière d'utiliser la technique - ne frapper que sur la partie du corps qui est protégée. L’exercice de combat avec l’utilisation d'un sabre en bambou (shinaï) et d'une armure de protection était marginal au XVIII° siècle au Japon. La mutation fit l’objet de critiques au départ. Ce type de combat ne se généralisa qu’à partir du XIX° siècle. Auparavant les adeptes de sabre ne pouvaient s’exercer au combat qu’avec des frappes contrôlées avec le tsumé. Les accidents étaient courants. L’entraînement au combat de sabre ne pouvait se faire sans douleurs ni risques, ce qui freinait considérablement le libre essor des facultés personnelles. L’utilisation des protections a permis de supprimer cette inhibition. A partir du XIX° siècle l’art du sabre fit un bond sur le plan technique.

Je pense que la pratique du combat de percussion doit être examinée à partir de cet exemple.

                                                                                  De Roger Menant 6éme DAN

                                                     

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